La langue des oiseaux et les rêves, ou la langue de l’âme

Article mis à jour le 24/04/2024 | Rêves

La langue des oiseaux et les rêves, ou la langue secrète de l’âme

La langue des oiseaux pourrait être celle de l’âme. Dans presque toutes les cultures en effet, les oiseaux ont été censés parler son langage. Que l’on pense par exemple à la colombe d’Aphrodite, aux Anges ou à Mercure, l’esprit ailé de l’Alchimie. Ceci dit, la langue des oiseaux est aussi un système cryptographique, une sorte de cabale phonétique. Elle s’appuie pêle-mêle sur des jeux de sonorités (CD= »céder », R= »air »), des jeux de mots, sur l’à-peu-près (« bénédiction »= »bonne diction »), la symbolique des lettres, la décomposition (« amuser » = « âme user »), l’étymologie (« Daniel »= »Dieu juge »), l’homonymie (l’avarice= »la varice »), la permutation (« Roma » = »Amor ») etc…

La langue des oiseaux a porté de nombreux noms. Langue de l’oisel (du latin aucellus, contraction de avicellus, avis et oiseau…) ou langue de l’avis des oiseaux, langage divin, langue de cour ou langue diplomatique (qui recèle plus d’un sens…), langue verte, langue argotique ou de l’art Goth, gaye science, gay sçavoir, langue des cabaliers… Autant de dénomination qui renvoient au fait que ses origines sont énigmatiques.

Histoire de la langue des oiseaux

Dans l’antiquité latine, on pratiquait l’auspicie, la divination par l’observation du vol et l’écoute des oiseaux pour comprendre les intentions divines. Toutefois ce n’est qu’au Moyen Âge qu’apparaîtront les premiers jeux de mot renvoyant à la langue des oiseaux. Principalement dans le système de codage inventé par les trouvères et les troubadours pour déjouer la censure. Elle pourrait aussi avoir pour origine la langue des oisons. Cette langue était celle d’une confrérie des bâtisseurs de cathédrale dans laquelle étaient conservées les règles de l’art Goth. L’art Goth était un langage sculpté ouvrant à l’expérience du divin. La légende dit que suite à l’élimination de l’Ordre du Temple, la langue des oisons se muera en langue des oiseaux servant à communiquer discrètement des informations.

Alchimie, langue des oiseaux et psychologie des profondeurs

Ce qui est sûr est qu’un vecteur privilégié de la langue des oiseaux a été l’alchimie. A ses débuts, l’alchimie était appelée l’art de musique. Certains traités d’alchimie joignaient d’ailleurs des partitions musicales à la représentation des métamorphoses de l’Œuvre. L’alchimie chantante utilisait aussi la langue des oiseaux. Les alchimistes utilisant une langue secrète jouant sur les correspondances phonétiques et sémantiques pour coder leurs œuvres interdites.

La langue des oiseaux est aussi intimement liée à la psychanalyse; même si les auteurs n’utilisent pas forcément l’expression et lui préfère le jeu de mots. Pour Lacan, les jeux de mot seraient même la clef de la psychanalyse. Il apparaît que l’inconscient – l’Un Conscient – peut s’exprimer avec des messages sous forme de langage codé via des jeux de mots – des jeux de maux. C’est-à-dire que pour nous éviter une mémoire directe de conflits internes, l’inconscient se crée (– secret –) en se ré-vélant (- se voilant à nouveau -) avec des messages codés.

Jung de son côté fera de l’alchimie un fondement historique de sa psychologie analytique. Il posera le processus d’individuation comme une alchimie à l’opérativité réelle sur l’âme. Selon lui, les alchimistes projetaient sans le savoir des matériaux inconscients dans leurs opérations de laboratoire. A l’inverse, la psychologie des profondeurs fera du retrait des projections par lequel un sujet se découvre porteur de ce qu’il objective, un mécanisme préparatoire au travail d’individuation. Reste que Jung montrera que les figures de l’imagerie alchimique peuvent se retrouver dans les productions oniriques, et que les différentes phases de l’œuvre correspondent à celle du processus d’individuation.

La langue des oiseaux et l’interprétation des rêves

Freud explique dans son livre L’interprétation des rêves qu’un rêve est un rébus à décrypter pour pouvoir l’interpréter. D’une certaine manière, ce procédé peut sembler aller à l’encontre de la théorie jungienne. Selon cette dernière, le rêve ne cache rien, il donne la meilleure expression possible du symbole qui permet de faire un pont entre conscient et inconscient.

Ceci dit, pour Jung, ce n’est pas tant que le langage de l’inconscient soit codé dans une langue étrangère. C’est plutôt nous qui avons perdu la connaissance de ce langage en nous coupant de nos profondeurs. De sorte qu’apprendre à parler le langage des oiseaux, c’est réapprendre un langage oublié. Ce qui importe est de décoder le rêve avec son aide sans s’éloigner de la matière du rêve lui-même. Car dans le langage des rêves, le fond et la forme ne sont pas deux.

Etienne Perrot et la langue des oiseaux

En France, c’est Etienne Perrot qui a été le principal promulgateur de l’utilisation de la langue des oiseaux dans le domaine de l’interprétation des rêves. Etienne Perrot a traduit les œuvres majeures de la seconde partie de la vie de Jung comme le Mysterium Conjunctionis. Il s’est attaché à restaurer la psychologie alchimique conduisant à la réalisation de la pierre philosophale, comme image du processus d’individuation conduisant à la réalisation du Soi. A son l’école, la langue des oiseaux, comme l’alchimie, est un chant, un art de musique et une danse. On l’apprend en la chantant, en en jouant et en la dansant… non dans les livres… et c’est une tradition, une transmission, et en l’occurrence une transmission par le son de la parole.

Le mot tradition renvoie aussi à origine, et la langue des oiseaux a été vue par certains comme à l’origine de toute les langues. Ce qui renvoi au mythe du commencement, commencement qui se situe en nous, selon Etienne Perrot. C’est donc en nous que se trouve la langue des oiseaux. De sorte que l’apprendre, c’est se mettre à l’écoute des enseignements de l’hôte intérieur… même si pour commencer, un interprète extérieur peut être utile pour la transmettre.
Enfin, selon lui, un authentique interprète de la langue des oiseaux est quelqu’un qui délire, à entendre « délyre ». C’est-à-dire qu’il devient une lyre de Dieu (De-lyre) ou de son image dans l’âme, le Soi, qui ouvre l’inconscient de celui ou celle à qui l’interprétation est donnée… et le sien. Car, on n’est réellement initié que de l’intérieur, c’est-à-dire par soi-même, ou encore par le Soi (même).

Une mise en garde

Dans votre patience vous posséderez vos âmes
Luc 21,19

« La langue des oiseaux », c’est la gaie science des alchimistes, là où le cœur se crée. C’est la science des vrais pauvres en esprit, gaie, joyeuse et enfantine. La science pas science qui ne s’apprend que par la patience du retour au Soi… C’est une langue qui ne peut être comprise que par des saints, comme saint François qui parlait couramment « oiseau ». En d’autres termes elle ne peut donc être comprise que par dessein…. il faut le vouloir !

Ceci-dit, attention à ne pas prendre tous ses fantasmes et interprétations pour Paroles d’Oiseaux ! Car ce n’est pas parce que l’on a fait un bon mot avec ce qui apparaît dans un rêve que l’on a pour autant a trouvé le Graal. Il ne faut pas oublier que si la langue des oiseaux est bien celle de la quête du Saint Graal, ce n’est vrai que si elle reste celle du Saint Bol. Et Etienne Perrot, comme Jung, insistait sur la nécessité de comprendre la situation du rêveur, ainsi que son langage personnel, sa symbolique personnelle, sans quoi les interprétations risquent d’être totalement fantaisistes…

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