Relecture
Relecture
« Lorsqu’on parvient à se souvenir de soi-même,
à établir une différence entre soi-même et nos passions,
on découvre alors le Soi ; on commence à s’individuer. »
C.G.Jung, Psychologie du Yoga de la Kundalini (adaptation)
Une thérapie ne s’arrête pas à ce qui se passe lors des séances. Elle se prolonge dans la vie de tous les jours jusqu’à ce que le patient puisse être rendu totalement à ses propres capacités de choix et de responsabilité.
Au-delà du travail sur sa problématique, une thérapie peut l’aider à vivre pleinement son potentiel et à réaliser sa nature intérieure. On s’aperçoit chemin faisant que lorsque les expériences de sa vie se rejoignent en un tout, la qualité de sa vie s’améliore, il devient plus créatif, plus ouvert et plus présent, plus éveillé, voir plus « spirituel ».
A cet effet il m’arrive de proposer un exercice de relecture pouvant acheminer vers cette unification. Il ne s’agit pas de se mettre à écrire un journal intime consacré à la vie sentimentale, mais plutôt d’entrer dans un processus qui se rapproche de celui du « Journal intensif » d’Ira Progoff ou de la relecture de journée proposé par Ignace de Loyola dans ses Exercices.
L’exercice de la relecture a une longue histoire. Dans sa version philosophique dont il est la pratique fondatrice on l’appelle examen de conscience et il remonte à l’antiquité grecque. C’est un exercice quotidien pour les pythagoriciens et les stoïciens. Il est aussi présent dans les grandes traditions religieuses ou il achemine vers une prise de conscience ouverte à l’altérité dans un décentrement de soi.
Dans la version d’Ira Progoff, l’utilisation d’un journal permet de se donner un support qui reflète les croyances et structures de pensée dont nous ne sommes pas conscient, ce qui doit permettre de commencer à supprimer ou à modifier celles qui nous limitent. Son utilisation permet aussi de refléter le dynamisme de la source d’où nous tirons notre force et le sens de notre vie et de nous y connecter.
La tradition ignatienne insiste particulièrement sur ce dernier aspect. Pour Ignace de Loyola la relecture n’est pas un examen de conscience, mais une prière de reconnaissance ou il s’agit de discerner les signes et les traces de la présence de Dieu dans notre vie afin de la vivre comme une alliance ou il soit possible de « Chercher et trouver Dieu en toutes choses ».
Dans la forme que je propose, l’exercice de relecture se distingue de sa version stoïcienne, pythagoricienne ou chrétienne car il ne consiste ni à vérifier l’adéquation de ses actes aux principes généraux d’une éthique, ni à repérer les déficiences supposées éloigner d’une vérité « divine » cachée au fond de soi. Il porte tout autant sur les pensées que sur les actes et inclut les émotions, les sentiments, les sensations… Il comprend quatre temps :
- un temps de parcours de la journée : qu’est ce qui s’est passé ? comment j’ai vécu les choses ? et pourquoi ?
- un temps où je note une manière de penser, de parler ou d’agir qui m’a réellement fait goûter un moment de paix et d’accord avec moi-même,
- un temps où je note une manière de penser, de parler ou d’agir qui m’a laissé un goût moins agréable…,
- un temps ou je prends pour le lendemain une décision simple qui me permettra d’adhérer d’avantage à ce qui m’a fait trouver la paix, et ou j’envisage d’éviter ce qui m’a laissé un goût amer.
Je note succinctement ce qui est venu. Et surtout… je mets en œuvre le lendemain les décisions que j’ai prises.
Un jour par semaine, le même exercice est répété à partir des notes de chaque jour de la semaine qui précède. Puis la répétition peut-être mensuelle, semestrielle, annuelle… Petit à petit, des lignes de force apparaissent, des paroles, des évènements se relient et prennent sens.
Le but de la relecture ainsi menée est l’unification intérieure par l’accès à une écoute de soi de plus en plus profonde, la perception des liens entre les évènements et nos vécus (pensées, actes, émotions…) et la mise en œuvre de décisions qui rapprochent chaque jour davantage du dynamisme de vie qui s’y discerne.
Curieusement, bien qu’il s’agisse d’un exercice donnant l’impression de s’acheminer vers une maîtrise totale de soi, avec le temps c’est exactement l’inverse qui se produit…. il donne accès à un mouvement d’adhésion à la vie dans un total lâcher prise : une dé-maîtrise totale de soi au Soi.