La psychothérapie jungienne et l’art d’apprivoiser le taureau (10) : Sur la place du marché

Article mis à jour le 21/06/2023 | Zen et psychothérapie

 

 

Sans chaussures et torse nu, il entre sur la place du marché.
En haillons, couvert de poussière, un sourire illumine son visage.
Sans user des secrets des dieux et des magiciens,
Il fait fleurir même les arbres desséchés.

 

Le bouvier sur l’image n’est pas forcément celui que l’on croit. Le jeune bouvier pourrait être une autre version du bouvier du départ, alors que le moine serait le bouvier du départ arrivé au terme du chemin.

Mais la fin du chemin est son commencement. En fait, le bouvier et le moine ne font qu’un. L’individuation procède du Soi, l’archétype central de l’inconscient collectif selon Jung. Aussi personne ne s’éveille à Soi seul. Tout le monde s’éveille ensemble dans l’unique instant présent qui dure le temps que l’on s’en rende compte.

Comme l’image nous le montre, le processus débouche sur la relation. Un désir d’aider les autres apparaît spontanément du fait que, paradoxalement, nous voyons qu’aider les autres c’est nous aider nous-mêmes. Autrement dit, c’est dans la relation que l’on devient Soi et que l’on est soi-même. S’individuer c’est s’oublier en se rencontrant dans l’autre. Et se rencontrer dans l’autre, c’est laisser s’effacer toute trace de soi et de l’autre dans un processus sans fin, d’individu à individu, d’éveil à éveil.

En entrant sur la place du marché, le moine sait qu’il est un avec tout ce qui est. En même temps, sa tenue montre la pauvreté de celui qui ne s’attache à aucune possession et ne se perd pas en spéculations. Libre de lui-même dans l’accueil de ce qu’il rencontre, toute trace d’individuation s’est évanouit en lui. Il est devenu un livre ouvert dans lequel toute personne qui le rencontre peut se lire. Sa liberté joyeuse est un appel à l’esprit d’enfance. De sorte que lorsqu’il rencontre le jeune bouvier, la ronde de l’éducation à l’Eveil se met à tourner…

« Sans chaussures et torse nu, il entre sur la place du marché. »

Le bouvier est devenu un moine très ordinaire qui ne se soucie apparemment pas de ce que les autres pensent de lui. Pourquoi le ferait-il ? Un moine, c’est un être seul… qui donc pourrait-penser à lui ? Et l’Eveil n’a rien d’extraordinaire, c’est juste ce que nous sommes. Etre Soi est ce qu’il y a de plus naturel : aller ou l’on va, faire ce que l’on fait, sans rien préméditer, sans rien ajouter. Le moine du marché ne rencontre plus aucun problème, il ne s’efforce à rien. Il rencontre juste des situations et se rencontre en chacun.

« En haillons, couvert de poussière, un sourire illumine son visage. »

Le contraste d’une tenue dépouillée et d’un sourire radieux nous montre un homme que l’Eveil a libéré de la recherche égoïste de lui-même. Il ne possède plus rien, n’a plus besoin d’accumuler, et ne cherche pas à faire bonne figure. Les objets n’ont plus le pouvoir de le séduire, et il ne cherche pas à séduire. Sa présence joyeuse rayonne pourtant. Cela le traverse. Il est souriant.

« Sans user des secrets des dieux et des magiciens, »

Ce moine n’est pas détenteurs de vérités mystérieuses et lointaines. Ce n’est pas un magicien. Devenir Soi, ce n’est pas posséder quelque chose de plus, mais quelque chose de moins : c’est laisser tomber tous nos regrets, nos espoirs et nos croyances sur nous-mêmes et sur le monde.
S’il y a de l’incompréhensible, du magique et du mystérieux dans le monde, c’est bien la ténacité extraordinaire avec laquelle chaque homme et chaque femme s’attache à certaines images construites et souffrantes de lui ou d’elle-même, ou à un idéal toujours plus lointain et parfaitement inaccessible !

« Il fait fleurir même les arbres desséchés. »

Ce moine est en contact direct avec la vie. Et comme il ne met aucun obstacle à la vie qui le traverse, sa présence fait fleurir ce qui manque à la vie. C’est-à-dire que tout ce qui entre au contact de sa présence peut s’ouvrir et s’éveiller à sa propre présence. Il ne retient rien. Il n’y a plus personne pour retenir quoi que ce soit. Il ne préfère personne non plus. Il n’y a personne d’autre. On le trouve en compagnie joyeuse de tous ceux et de toutes celles qu’il rencontre.

La porte de son ermitage est close
et il demeure invisible même aux plus grands sages.
Dépouillé de tout savoir, il va son propre chemin.
Il entre sur le marché avec une bouteille, appuyé sur son bâton, comme chez lui,
On le trouve en compagnie des barmans et des poissonniers,
Et tous ensembles s’éveillent.

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