La mère et ses enfants dans la psychologie de Jung

Article mis à jour le 21/06/2023 | Jung

La mère et ses enfants

Selon Jung, les caractéristiques réelles des parents n’expliquent pas à elles seules l’influence de leur relation à leurs enfants. À l’influence des parents réels viennent se mêler, en provenance des enfants, des influences inconscientes. Ces influences informent tout autant, sinon plus, la relation parents-enfants et ce qui en résulte.

Par exemple ce qui a trait à la mère n’a pas uniquement à voir avec la mère réelle, mais aussi avec l’imago maternelle, le complexe maternel et l’archétype de la mère. Ce qui veut dire que ce qui lui est facilement attribué en propre, et parfois jusqu’à l’âge adulte, est souvent largement exagéré. De sorte qu’un des aspects importants d’une thérapie sera de différencier ce qui provient d’elle de ce qui a été projeté sur elle.

Imago, complexe et archétype

L’expérience qu’un enfant fait de sa mère est en partie faite de ses perceptions de celle-ci. Mais elle est aussi faite de ses propres réactions subjectives face à elle, de la projection de ses sentiments, et d’influences archétypiques. La combinaison de ses diverses influences constitue l’imago maternelle. C’est-à-dire une représentation inconsciente dynamique orientant sélectivement la façon dont l’enfant l’appréhende.

Les complexes sont des fragments psychiques qui composent l’inconscient personnel, tout comme l’inconscient collectif est composé d’archétypes. Selon Jung, toute expérience émotionnelle se transforme en complexe. Mais un complexe est aussi à voir comme l’expression d’un archétype. Ainsi, le complexe-mère est en partie informé des expériences émotionnelles de l’enfant avec sa mère. Il est aussi l’expression psychique de l’archétype de la mère manifesté comme un mode typique de réactions, d’évaluations et d’imaginations.

Enfin, un archétype, au sens jungien, est un organisateur inconscient et structurant du psychisme. L’archétype de la mère correspond à une capacité innée de reconnaissance de la relation de maternage. On le retrouve par exemple projeté en mythologie dans la figure de la Grande Mère. Mais l’enfant le projette tout aussi bien sur sa mère réelle. Or il a un aspect positif de mère aimante et un aspect négatif de mère terrible. De sorte qu’à chaque stade du développement, l’enfant percevra sa mère à la fois comme bonne et mauvaise…

L’influence d’une mère sur ses enfants n’est donc pas limitée à ce qui correspond à ses caractéristiques réelles. Ses effets sur eux découlent aussi des projections archétypiques qu’ils font sur elle. Et les effets positifs comme négatifs de l’influence de l’archétype de la mère sont différents chez le fils et chez la fille.

Mère et fils

Le complexe-mère cristallise chez le fils la façon dont il réagira au sexe opposé. Comme sa perception de sa mère est mêlée d’influences à caractères sexuels opposés, la formation du complexe-mère se complique chez lui de l’influence de l’anima.

L’anima est une structure archétypale qui correspond à la partie intérieure contraposée sexuelle de l’homme. Elle compense son attitude consciente sur l’axe féminin-masculin qui lui est propre. L’anima correspond à un ensemble fluide et changeant de manière d’être, d’appréhender le monde, de penser et d’agir, perçu par lui comme appartenant au sexe opposé. Tant qu’elle n’est pas différenciée, elle est projetée.

Avec une anima non différenciée du complexe-mère, le fils restera comme figé dans un nuage de doutes, d’insécurité, de pensées qui l’empêcheront d’agir ou de mener à terme ses actions. Il tombera parfois sous l’emprise de femmes étouffantes rappelant l’emprise maternelle. Il pourra aussi faire la rencontre de femmes fatales qui le dégraderont après l’avoir pris dans leurs filets. Avec une hétérosexualité restant inconsciemment attachée à sa mère, il choisira éventuellement l’homosexualité. Ou bien il se transformera en Don Juan qui recherche sans le savoir sa mère dans chaque femme. Il aura souvent des fantasmes érotiques grossiers et parfois deviendra impuissant.

Dans la mesure où le fils aura pu établir une bonne relation avec l’anima, le complexe-mère pourra avoir des effets « positifs ». Élévation des objectifs, persévérance, différenciation fine de l’éros, transformation du donjuanisme en virilité… L’anima pourra aussi provoquer la naissance d’un puissant sentiment d’amour envers une femme. Elle pourra aussi révéler sa fonction de relation à l’inconscient sous les traits d’une inspiratrice, d’un guide vers l’intériorité en direction du Soi.

Mère et fille

Chez la fille, les effets possibles du complexe-mère vont de l’hypertrophie à l’inhibition des instincts, et de l’identification à sa mère à la défense absolue contre elle.

Chez une fille aux instincts hypertrophiés, l’éros n’est développé que comme relation maternelle, mais reste inconscient. Elle ne reconnaîtra à son époux qu’une fonction procréatrice. À la place de l’amour son instinct maternel sera projeté avec une volonté de puissance destructrice et dangereuse pour sa propre personnalité et la vie de ses enfants. Chez une fille aux instincts inhibés, l’instinct maternel peut aller jusqu’à disparaître.

Un éros surdéveloppé la conduit alors souvent à une relation incestueuse inconsciente avec son père. Elle développe une forte jalousie envers sa mère et un désir permanent de la surpasser. Si l’éros n’est pas accentué, la fille s’identifie à sa mère à laquelle elle reste dévouée par désir inconscient de la dominer. Elle pourra s’en séparer si un homme remplit le vide de ses instincts en projetant sur elle son anima. Il lui faudra toutefois encore acquérir une vraie conscience d’elle-même. À défaut, elle projettera ses propres talents sur son compagnon même s’il n’en possède pas vraiment.

Dans le cas de la mise en place d’une défense contre la mère, cette défense éclipse tout le reste. Tous ses comportements sont alors opposés à ceux de celle-ci. Il en résulte que tous les processus instinctifs (sexualité, désir d’enfant…) rencontrent des difficultés, car ils passent au second plan. Elle attire alors des hommes qui ont besoin de se libérer de leur mère et que le conflit naissant de cette double attirance inconsciente peut entraîner vers une plus grande connaissance d’eux-mêmes. Elle pourra bénéficier de ce mouvement en prenant conscience de son propre rôle libérateur, voire en le remplissant consciemment.

De la séparation à l’assimilation…

La séparation d’avec la mère ne consiste pas seulement à rompre un attachement en rendant conscient l’identification inconsciente avec des figures et des contenus psychiques étrangers. Car une fois dénoués les liens de la projection, le travail du complexe-mère doit ouvrir la voie vers un renouvellement de soi par une liaison plus intime à l’inconscient.

Dans un premier temps les figures de l’anima et de l’animus sont mêlées à celles des complexes père et mère. Se détacher de l’influence maternelle suppose un travail de différenciation et d’intégration de l’anima chez le garçon. De l’animus chez la fille. Ce travail doit permettre ensuite le contact des figures de l’anima et de l’animus pour ce qu’elles sont essentiellement : des fonctions de relation à l’inconscient.

Ici le processus d’individuation est rejoint. Il procède en un mouvement analytique de séparation et différenciation. Et il transforme progressivement la conscience en un miroir dégagé de ses identifications inconscientes. Un mouvement synthétique d’assimilation des contenus inconscients lui donne son caractère de développement.

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