Confiance en l’esprit (7): Tout accepter et ne rien poursuivre

Article mis à jour le 21/06/2023 | Zen et psychothérapie

« Si vous souhaitez cheminer sur la Voie Unique, ne détestez pas le monde des sens et des idées »

Dans la perspective de Seng-ts’an, l’unification de notre vie est incompatible avec le rejet de quoi que ce soit. Ici encore, il nous exhorte à rechercher la sobriété d’une vie qui ne soit pas basée sur le rejet où l’aversion, mais sur la connaissance de soi et du monde.

Il s’agit de déconstruire toutes nos identités construites sur le principe de la discrimination entre ce que nous recherchons où rejetons. C’est-à-dire ne pas nous attacher au sentiment d’identité qui provient du corps et de l’esprit, sans toutefois le rejeter. Et rester dans l’ouverture ainsi créée.

« Les accepter pleinement est identique au plein Eveil »

Accepter pleinement les sens, c’est ne plus être dans le rejet compulsif du monde et le laisser se révéler tel qu’il est, sans s’y laisser aller. Se libérer de la souffrance, sans s’en débarrasser. Voir le caractère insatisfaisant, impermanent et interdépendant de toutes choses, sans les repousser. Et agir pour la délivrance des êtres sans pour autant chercher à les définir.

Selon Seng-ts’an, accepter ainsi pleinement les sens, c’est s’éveiller. C’est ne plus chercher où aller parce que nous sommes arrivés partout où nous sommes, et ne plus rien désirer parce que nous sommes comblés sans rien avoir à satisfaire. C’est le moment de la totale acceptation sans cause de ce qui est.

« Le sage se réalise sans but ni aspiration ; le sot s’aveugle lui-même par l’espoir et la peur »

Devenir soi dans cette optique, c’est subir une transformation qui fait que nous ne sommes plus le jouet de nos compulsions. Nous n’avons plus rien à désirer, à perdre, à changer ou à obtenir pour être nous-mêmes. Nous devenons sans avoir un but. Nous n’avons plus à nous protéger, parce que nous voyons qu’il nous est devenu impossible de nous perdre.

Le sot croit qu’il doit faire, obtenir ou lâcher quelque chose pour être qui il est. Il fait dériver sa personnalité de la poursuite compulsive de buts par lesquels il pense donner du sens à ce qu’il vit. Le sage ne se protège pas, il s’oublie. Aussi est-il totalement libre, parce qu’il est libre de lui-même. Et il se réalise dans un agir sans agir surgi de l’écoute pure de chaque situation.

« Il n’y a pas de différence entre les choses, mais l’ignorance conduit à la préférence »

Le réel est non-duel. Il n’y a que cela, manifesté sous forme de l’interdépendance de toutes choses. Que rien n’existe par soi seul mais en interdépendance de toutes choses, c’est ce que Nagarjuna le fondateur de l’école Madhyamaka du bouddhisme Mahayana résumait par le mot vacuité. La vacuité est (l’expérience de la) non-dualité.

L’accès au non-duel libère du conditionnement de l’attachement et de la préférence. En faire l’expérience entraîne à ne plus se laisser conditionner par la façon dont les choses se présentent. L’ignorance de la non-dualité de toutes choses laisse au contraire la place à l’attachement aux choses, en fonction des préférences de chacun pour ce qui donne l’illusion de conforter une identité.

« Chercher l’Esprit avec l’esprit discriminant est la plus grave de toutes les erreurs. »

L’Esprit cherché dont parle Seng-ts’an est l’esprit originel, la nature de bouddha. L’esprit discriminant est le mental par lequel nous nous accrochons aux choses ou bien les rejetons. Il est impossible à l’esprit discriminant de connaître l’esprit originel nous dit Seng-ts’an. Il est impossible de connaître l’esprit unique au moyen de ce qui sans cesse construit au moyen de concepts, de points de vue et de thèses, le monde duel dans lequel nous vivons.

La connaissance de l’esprit est la résolution d’un koan naturel dont la réponse est plutôt de l’ordre du jaillissement de vie consécutif à une vision. L’esprit devient transparent uniquement dans cet éveil de soi qui donne accès à soi. Cela n’a rien à voir avec une compréhension linguistique ou verbale. La compréhension intellectuelle de la vacuité n’en est pas l’expérience libératrice.

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