Le rêve dans l’Islam et la tradition islamique
Dans la tradition islamique, ce que le croyant voit en rêve a la valeur du quarante-sixième de la prophétie. Certains commentateurs ont pu restreindre la validité de cette affirmation aux proches du prophète Muhammad (ci-après le Prophète) ou encore ne l’étendre qu’à ses proches. Il n’en demeure pas moins que le rêve est vu comme une possible source de savoir divin.
Le rêve y est en conséquence abordé avec sérieux, d’autant que toujours selon la tradition, il peut être un lieu de l’apparition véridique du Prophète, et que Dieu même peut s’y rendre visible sous certaines formes.
Le rêve y est aussi abordé avec prudence. Car la tradition relayée par les différentes synthèses dogmatiques (cf. par exemple celles d’Ibn Sirin, Ibn Arabi, Ibn Khaldoun et Ibn Hajar du 7ème au 15ème siècle) indique que s’il existe des rêves véridiques porteurs d’un message divin, des rêves porteurs de révélations directes de la Réalité et des rêves prophétiques, il existe aussi des rêves qui ne reflètent que les pensées et les sentiments du rêveur et des rêves suscités par des forces démoniaques.
Les rêves dans le Coran
Plusieurs sourates du Coran font explicitement référence aux rêves. Par exemple, la sourate 8 montre Dieu qui intervient dans un rêve en induisant par son intermédiaire un effet émotionnel rassurant face à l’adversité (versets 43-44). Dans la sourate 12, qui est une version abrégée de l’histoire de Joseph, on retrouve celui-ci interprétant ses rêves par grâce divine (versets 4-6), ainsi que ceux de ses compagnons (versets 36-37) ou encore ceux d’autres personnes (versets 42 à 49 etc.). La sourate 37 est une version de l’histoire d’Abraham et du sacrifice de son fils Isaac. Abraham y raconte à Isaac un rêve où il lui est dit qu’il doit exécuter son fils. Sur l’assentiment de celui-ci, Abraham s’apprête à mettre littéralement le message du rêve à exécution lorsque Dieu l’arrête en lui disant que son obéissance absolue vaut réalisation de sa vision.
Ces exemples montrent le rêve comme un lieu d’intervention de Dieu rectifiant les attitudes conscientes, qu’il peut être prophétique et libérateur, et que sa compréhension est de l’ordre du don. Il est aussi montré comme une version soit symbolique, soit directe du message qu’il transmet. Enfin que le rêve peut correspondre à un commandement divin.
Il est important de noter l’importance de la dimension onirique de ces divers épisodes. Par exemple, le rêve rapporté par Abraham à son fils dans la sourate 37 ne se retrouve pas dans le récit biblique correspondant. Mais, et c’est peut-être le plus essentiel, cette même sourate montre que l’interprétation d’un rêve peut permettre d’atteindre au cœur même de la foi musulmane : se soumettre à la volonté divine.
Les rêves dans les Hadiths
Un hadith est un dit du Prophète. Par extension, le hadith s’étend à l’ensemble des traditions relatives à ses actes et paroles et à ceux de ses Compagnons. Selon la littérature du hadith, les rêves ont tenu une grande place dans la vie du Prophète. Il interprétait lui-même ses rêves et il est dit qu’il réunissait ses Compagnons le matin et interprétait les leurs. Cette pratique de l’interprétation collective des rêves entretenait une inspiration onirique dont il était le garant. Elle pouvait avoir des répercussions religieuses.
Le hadith donne aussi des indications pratiques. Par exemple que tout rêve qui vient de Dieu se reconnaît à ce qu’il est accompagné de soulagement et de joie, alors que tout rêve qui vient du diable met mal à l’aise. De plus, il conseille de ne raconter que les rêves qui proviennent de Dieu, et de taire ceux qui proviennent du diable. Il indique aussi que l’état de pureté du cœur du dormeur se retrouve dans le degré de clarté d’un rêve.
Par ailleurs, on l’a vu, le sommeil peut devenir le moment de la visitation de Dieu ou celui d’une présence démoniaque. Comme la pureté renvoie à la relation au monde divin et l’impureté attire le démon, le hadith prescrit un certain nombre de gestes de purification devant être accomplis avant de s’endormir ou suite au réveil. Bref, il convient autant de se préparer au rêve que de savoir l’accueillir.
L’onirocritique ou interprétation des rêves
L’islam s’est aussi doté de toute une tradition onirocritique. Car si Dieu peut envoyer à un rêveur un message en clair, non codé, le plus souvent le rêve est fait de symboles, et il doit donc être interprété. Mais, comment interpréter les symboles rencontrés en rêves ?
Pour opérer la translation de sens des symboles oniriques, on a d’abord cherché dans la Tradition scripturaire ainsi que dans l’usage des premiers Compagnons du Prophète. Mais, on s’est vite rendu compte que d’une part, chaque symbole ne prenait son sens que dans la relation aux autres éléments du rêve, et que d’autre part, il pouvait revêtir un sens original propre au rêveur. Les interprétations possibles se sont donc multipliées en tenant toutefois compte d’un principe de base : l’image onirique est censée renvoyer à un « au-delà » du rêveur. C’est-à-dire qu’elle est transpersonnelle du point de vue téléologique même si sa signification immédiate est personnelle.
En guise de conclusion
L’interprétation des songes nécessite selon le Coran un choix et une inspiration de Dieu. C’est en conséquence une science divine. Et chez les mystiques musulmans, comme Ibn Arabi par exemple, le rêve est une source de lumière spirituelle. Mais, il est aussi possible de faire une lecture psychologique de ce qui précède et retenir qu’il nous est dit que :
- le rêve peut avoir un effet compensateur d’une attitude consciente trop unilatérale,
- il nécessite le plus souvent une interprétation, cependant son sens peut aussi être transparent,
- son interprétation doit renvoyer au registre symbolique propre au rêveur,
- elle doit aussi renvoyer le rêveur à plus que lui-même…
Si l’on ajoute à cela que, par exemple, Ibn Sirin (fin 7ème – début 8ème siècle) recommandait de lire un rêve en reliant entre elles les images apparemment sans lien en utilisant les jeux de mots ou l’étymologie, ou encore qu’il convenait de tenir compte des désirs et des craintes cachés du rêveur, on a pratiquement tous les éléments utiles pour commencer un travail thérapeutique d’interprétation des rêves.
On retiendra aussi que, comme dans le christianisme, l’islam ne recommande pas d’interroger le sens de n’importe quel rêve. La question continue donc à se poser : le travail de n’importe quelle image qui traverse mon esprit me conduit-il obligatoirement à la santé psychique ? …
1 Comment
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Bonjour,
Je suis tout à fait en phase par rapport aux concepts abordés.J’interprète ,personnellement mes reves avec les versets coraniques:Directement ou par analogie,aussi il ya le sens des prénoms des personnes vues en reve:C’est très interessant ne dit on pas que les reves sont les projets de L’Ame.