À l’école des rêves
« L’interprétation des rêves est la via regia qui mène à la connaissance de l’inconscient dans la vie psychique »
Sigmund Freud (L’interprétation du rêve. Paris, Seuil, 2010, p. 548.)
Freud et les rêves
Pour Freud l’inconscient est issu du refoulement de désirs incompatibles avec la vie consciente. Le rêve permettrait de réaliser de façon voilée les désirs inconscients issus du refoulement de pulsions infantiles. Parmi ses pulsions, la pulsion d’inceste ou complexe d’Œdipe étant la plus connue. Freud explique le rêve comme une formation de compromis. Il réalise un désir et s’en défend simultanément, au moyen d’opérations psychiques mettant en œuvre un mécanisme de censure.
Ainsi, le rêve cherche à représenter un désir inconscient au sein d’une « histoire ». Un mécanisme de déplacement permet que chaque affect associé à une représentation gênante soit associé à une représentation qui l’est moins. Les représentations moins gênantes sont issues des images et des pensées de la journée qui précède le rêve. Un mécanisme de condensation permet l’amalgame de plusieurs représentations pour n’en faire qu’une seule.
En tenant compte de ces divers mécanismes, l’interprétation des rêves peut permettre, selon Freud, de découvrir les arrière-plans psychiques refoulés du rêveur. Cette interprétation est facilitée par les libres associations de celui-ci autour des images de ses rêves.
Jung et les rêves
À l’inverse de ce que Freud pensait, pour Jung, l’inconscient n’est pas le rebut du conscient. Au contraire, le conscient n’est que la pointe émergée de l’inconscient. Plus encore, l’inconscient ne se limite pas à l’inconscient personnel ou psyché subjective, mais est aussi relié au collectif. L’inconscient collectif, la psyché objective, relie finalement à toute l’humanité. Dans sa compréhension jungienne, le rêve est la meilleure expression possible de l’état psychique inconscient du moment pour le rêveur. Les rêves établissent ainsi un lien symbolique entre le conscient et l’inconscient. Ceci en vue d’une unification toujours plus accrue de la psyché.
Il n’y a donc, selon Jung, aucune raison de supposer que le rêve dans sa forme cache quoi que ce soit au rêveur. Au contraire le rêve formerait plutôt un tout parlant. Chaque symbole peut y être interprété à l’aide du contexte du rêve lui-même, du contexte de vie du rêveur, de ce qu’il éprouve à leur contact, et de son registre symbolique. Mais, chaque symbole étant par nature autonome, Jung va plus loin. Il préconise aussi la méthode de l’amplification. Celle-ci consiste à examiner toute la portée possible des images du rêve en utilisant les matériaux historiques, mythologiques ou autres qui s’y rapportent.
Cela dit, dans l’interprétation jungienne d’un rêve, tous les contenus d’un rêve sont comme à autant d’indicateurs précis de l’état inconscient du rêveur. Cela sous forme d’un « message imagé » adressé à la conscience. Que ce soit au niveau des associations ou des amplifications, il s’agit ainsi de s’en tenir aux images et aux idées qui font partie du rêve. Sans s’en éloigner lors de libres associations.
Une méthode d’interprétation en quatre actes
Je propose dans ce qui suit une méthode simple d’interprétation tirée d’un livre de Robert A. Johnson intitulé « Inner Work » (Harper Collins – 1989).
Premier acte : mettre de la lumière
Noter pour chaque image du rêve les associations directes qui viennent en relation avec elle : phrase, jeu de mot, image, sentiment, souvenir, odeur… Attention à ne pas se laisser aller à faire de chaîne d’association qui éloigne de l’image elle-même. Continuer éventuellement jusqu’à ce qu’une association paraisse plus signifiante, « parlante » que les autres.
Deuxième acte : voir les personnages
Noter pour chaque image du rêve à quelle partie de soi, à quel personnage en soi elle pourrait être reliée. L’association la plus parlante dégagée dans un premier temps pourra y aider. Une partie de soi peut être un trait de personnalité, un trait physique, un sentiment, une croyance, une attitude, une valeur… Il se peut aussi que l’image renvoie symboliquement, métaphoriquement, par analogie… à un évènement ou une personne sur le plan externe. Le noter. C’est toutefois le renvoi sur le plan interne qui devra être privilégié.
Troisième acte : donner du sens
L’interprétation pourra prendre l’allure d’un exposé cohérent qui « colle » aux différentes séquences du rêve tout en les insérant dans un message global. Si plusieurs interprétations font sens, les écrire pourra aider à « sentir » la plus appropriée. Les détails du rêve peuvent aussi aider dans ce cas. Une bonne interprétation donne toujours la sensation d’une libération d’énergie et donne du sens à notre vie.
Quatre règles générales sont à observer pour l’interprétation : choisir plutôt une interprétation qui donne une information ou compréhension dont on n’avait pas déjà conscience ; éviter toute interprétation qui porte à l’inflation ; éviter aussi toute interprétation qui écarte nos responsabilités pour blâmer les autres ; enfin choisir une interprétation qui, le plus possible, fasse sens au niveau du vécu.
Quatrième acte : donner corps
Trouver une façon de donner corps au message du rêve par une expression réelle, physique, un acte du quotidien ou un acte symbolique qui corresponde à l’interprétation qui a pu lui être donnée. Comme une graine plantée dans les racines de la conscience, cette « application des sens » est comme un message envoyé à l’inconscient. Elle lui indique qu’un véritable dialogue s’est instauré avec la conscience. L’instauration de ce dialogue marque l’entrée consciente et volontaire dans ce que Jung appelle le processus d’individuation.
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